Comment résoudre vos blocages d’écriture ?

Sophie Gauthier
5 min readMar 6, 2021

Lorsqu’on sait que notre cerveau possède 100 milliards de neurones et que le nombre de potentielles connexions synaptiques dépasse celui des atomes dans l’univers, on peut comprendre que lorsqu’on se met à réfléchir pour écrire, parfois, ça fasse des nœuds.

Il existe donc une infinie variété de raisons aux blocages d’écriture, mais je vais essayer, si ce n’est pas trop présomptueux, d’en dégager trois grandes familles et de proposer quelques pistes pour en venir à bout :

  1. La peur de pratiquer
  2. Le manque de connaissances
  3. L’arbre à 12 troncs

1. La peur de pratiquer

Le mot procrastination a sûrement été inventé par un procrastinateur : il est tellement long à prononcer qu’il nous laisse encore un peu de temps avant de nous y mettre.

La procrastination peut venir de plusieurs facteurs. J’ai traité en long et en large cette question dans ma formation pour écrire un roman, mais je vais tenter d’aborder le sujet ici sous un autre angle :

Démarrer l’écriture à l’âge adulte, c’est se confronter à un sentiment dont nous pensions nous être débarrassé pour toujours : la honte d’être nul. Enfant et adolescent, vous avez eu votre lot d’humiliations diverses liées à votre ignorance et une fois parvenus à un certain statut, vous vous êtes assurés de ne plus jamais avoir affaire à ce type de désagréments.

Si vous vous êtes soigneusement évités de commencer la danse classique ou le violon à l’âge de trente ans, c’est pour une bonne raison : se voir faire un entrechat d’hippopotame ou s’entendre faire gémir une pauvre corde qui n’avait rien demandé est au-delà de votre fierté.

Mais voilà : il se trouve qu’écrire, vous avez appris à l’école dès l’âge de 6 ans. Des lignes, vous en avez gratté, rédactions, dictées, dissertations et même mémoire et plus tard, des lettres de motivation, des comptes-rendus, des emails et toute les joies scripturales que le monde de l’entreprise permet.

Hors, écrire de la fiction, par rapport à une rédaction, c’est un peu comme danser une chorégraphie de ballet par rapport à danser en boîte de nuit : oui, voilà, pas pareil.

Et vous le savez au fond. Alors, vous laissez passer le temps avant de vous mettre à rédiger des lignes qui pourraient apparaître comme ouvertement nulles. Et en plus, les écrivains de renom semblent tous s’entendre pour clamer qu’ils possédaient déjà leur style littéraire à l’âge où ils goûtaient le caca du chat pour voir si c’était pas des bonbons.

Solution : Attelez-vous à la tâche de produire des écrits qui ne serviront qu’au déblocage. Écrivez des choses nulles, pourries, honteuses, que vous ne montrerez à personne. Vraiment personne. Assurez-vous que personne personne n’aura jamais accès à ces écrits. Personne. À qui devez-vous les montrer ?

Réponse A : Juste à votre meilleure amie quand même.

Réponse B : À un éditeur.

Réponse C : Personne.

Lorsque vous aurez écrit des milliers de mots nuls, écrivez encore quelques milliers de mots un peu moins nuls, pour déboucher sur des milliers de mots moyens et là, vous comprenez que la plasticité cérébrale humaine, c’est pas de la gnognotte.

2. Le manque de connaissances

Reparlons de l’effet Dunning-Kruger : les moins compétents se surestiment et les plus compétents se dévalorisent. Pourquoi ?

J’aime bien ce schéma :

Trucs que vous savez, trucs que vous savez que vous ne savez pas, trucs que vous ne savez pas que vous ne savez pas.

Parmi les écrivains débutants, certains démarrent en se sentant tellement confiants qu’ils nous bombardent de leur effroyable prose (et certains sont même connus, quelle leçon tirer de tout cela je ne sais pas), quand d’autres possèdent suffisamment de connaissances et de culture pour prendre conscience de l’immensité de leur ignorance. Si vous craignez trop la nullité, vous êtes donc du bon côté de l’effet Dunning-Kruger. C’est rassurant.

À présent, vous le savez : ce que vous ne savez pas dépasse de loin ce que vous savez. Alors, faites des recherches, certes, mais aussi lisez le plus possible et surtout le genre que vous visez.

Ne lisez pas “pour vous cultiver”. Je pense qu’il n’y a pas pire erreur que de commencer la lecture comme l’étudiant des Aérostats d’Amélie Nothomb, par les “classiques” qu’il faut avoir lu. Commencez par lire uniquement ce qui vous attire. N’ayez aucune honte : s’il s’agit de romans de gare, lisez-les tous et une fois digérés, vous aurez envie de passer à autre chose. Suivez le fil de vos goûts, sans vous forcer à aimer ce que Mme Pichon, votre prof de français, pensait indispensable. Ne vous faites pas plus intellectuel que vous ne l’êtes. Si la fantasy ou la romance légère sont vos genres de prédilection, lancez-vous avez joie, mais lancez-vous ! Maîtrisez les codes de votre genre nécessite de les avoir assimilés.

J’adore lire des BD, mais aussi des articles de news pourris, tout en m’ingurgitant des pavés littéraires faisant le poids d’un nouveau-né. Une seule règle : ce que cerveau veut, je le veux. Cette façon de procéder débloque toute ma créativité.

3. L’arbre à 12 troncs

On est beaucoup à avoir perdu dix-huit ans de notre vie, voire plus, à suivre un chemin fabriqué pour nous au lieu de poursuivre nos rêves. Résultat, on arrive à un âge où l’on commence déjà à sentir que si on veut réaliser quelque chose on a intérêt à se dépêcher un peu.

Alors, on est là, ayant acquis chèrement notre liberté de désirer, quelques créneaux alloués à faire un peu ce qu’on veut et un peu d’argent pour ne pas trop s’inquiéter des lendemains qui déchantent et tous nos vieux rêves réprimés se rabinent en mode pétage de digue. On se retrouve à vouloir tout, tout de suite et en même temps et on commence mille choses qu’on ne termine pas puisqu’on doit en commencer une autre et que la liste s’allonge au fur et à mesure qu’on découvre ce qu’on ne sait pas (Dunning-Kruger reloaded).

Et pourtant, il va falloir faire le deuil (momentané) des mille vies, pour faire pousser un arbre et un seul.

Ça vous semble triste ? Pourtant, un tronc peut faire ce que mille bûches ne sauraient accomplir : faire pousser des racines et des branches aussi longtemps qu’il est en vie.

Et si vous choisissez l’écriture, c’est merveilleux : la quantité d’univers que vous pouvez créer remplacera allégrement les quinze vies que vous n’avez pu vivre. L’écriture ouvre un espace mental gigantesque : notez tous vos regrets, vos sentiments, vos désirs et vos peurs et explorez la vertu cathartique des personnages qui sont tous un peu vous.

Cessez de courir en tous sens et ancrez-vous dans l’écriture. Prenez racine et développez-vous. Tant pis pour le macramé (vous le réaliserez lorsque vous aurez créé Géraldine, passionnée de macramé et victime de meurtre).

Voilà, j’espère que vous avez apprécié cet article, n’hésitez pas à me le dire ou à poser vos questions dans les commentaires. À bientôt !

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